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lundi 26 février 2007

rémi marie / JO & CHRIS


jo et chris sont artistes, jo et chris sont peintres, jo et chris se demandent si ils sont autant coupables que les autres, jo et chris connaissent les 4 types de nourritures macrobiotique, ils sont différents et ils sont pareils, jo pense qu’ils sont différents mais qu’ils sont pareils, à virginia beach (où est ce bled?) avec ces avions militaires, ces super-jets triangulaires qui vrombissent au-dessus de la ville, jo se sent super-normale, une parmi un million, elle dit : quand on grandit on se compose un personnage, on habite dans un quartier spécial, on fréquente certains cafés, on lit des journaux ou des revues particulières et toute cette merde, et on se sent différent, mais si tu viens à virginia beach pour t’occuper de ton père malade parce qu’il mange que des pates depuis toutes ces années pour protester à sa manière contre la société de consommation, à virginia beach tu te sens super-normal, tu te sens comme tout le monde, pourtant jo et chris sont conscients qu’ils sont différents, incapables de travailler normalement, je veux dire de faire un de ces jobs à la con, ou même de la peinture en batiment, un bon job, pense chris, ils sont incapables de ça et c’est leur chance, ils sont persuadés que les gens bizarres, les ratés, les branques, les freaks, sont les plus intéressants, sont les plus beaux, en tout cas c’est ce que pense chris, jo est un peu fascinée par la normalité, ou disons l’idée d’être pareil, d’être comme les autres, d’être quelconque, l’idée qu’on se sent tellement différent et pourtant on est pareils, et c’est là que se pointe la culpabilité, c’est à dire même si tu essaies de faire un peu mieux que les autres, par exemple de consommer un peu moins d’énergie, de manger un peu moins de merde et surtout d'en produire un peu moins de la merde, quand même, tu fais partie de ce bordel que tu le veuilles ou non, et tu es coupable aussi, même si, selon chris, il y a des degrés de responsabilité et de culpabilité, chris est super-conscient que les trois quart de la planète haissent les états-unis, il est super-conscient de toute cette merde de tous ces mensonges, seulement pour mettre la main sur le pétrole, un peu plus de pétrole dans les poches de quelques milliardaires américains, il est super conscient mais qu’est-ce que ça change, jo pense que ce qui compte c’est ce qu’on produit, c’est ce qui sort de toi, la merde qui sort de toi et que tu poses là dans le monde, chris fait aussi des installations et des videos, jo fait parfois de la sculpture, comme ce petit bonhomme qui tend la main en haut d’une sorte de pilier, qui semble dire au revoir, palais des soviets ça s'appelle, le tout recouvert d’une bonne couche de peinture bleu-clair, ce qu’ils font ce sont des choses qu’ils ont besoin de faire, c’est ce qu’ils pensent, des choses nécessaires, pas pour le marché, pas pour le fric, quand même ils ont réussi à percer, ils sont parvenus à un certain degré de reconnaissance, ils exposent dans le monde entier, ou presque, ils connaissent les lois du milieu, ils jouent le jeu, à leur manière ils jouent le jeu, et ils se posent des questions, des questions sur l’art, sur le bon et le mauvais art ou plutôt sur les artistes pros et les freaks, les artistes pros m'angoissent, dit chris, ils représentent la culture dominante, jo et chris ont commencé à travailler ensemble à l'occasion et, dans le magazine gratuit trouvé dans une galerie parisienne, il y a des doubles pages couleurs gaies comme des dessins d’enfants, des pages qu’ils signent tous les deux, ils parlent de la bouffe, depuis que les gens mangent moins de viande les pays d’amérique latine ont relancé la déforestation pour planter du tofu, alors vaut-il mieux manger du tofu qui vient d’amérique latine et qui est génétiquement modifié ou du bœuf produit localement, ils parlent des infos, ils parlent aussi de ce qu’on apprend à l’école, et pourquoi s’indigner comme le père de jo contre l’enseignement de l'histoire à l'école, c’est pas comme si on se mettait debout devant toi et on te disait la vérité, dit jo, c'est qu'un putain de mensonge de plus, toute cette merde est de la pure désinformation de toute façon, ils parlent de leur relation, des années avant de se décider à coucher ensemble alors qu’ils étaient tombé amoureux dès cette première promenade, c’était évident, dit jo, alors pourquoi tout ce temps, chris dit qu’il se sentait débordé par les choses, ça allait trop vite, il était plutôt du genre : si ça doit se faire, ça se fera, et puis ensuite très vite, le mariage, pourquoi le mariage, parce qu’on voulait faire le truc jusqu’au bout, pas seulement à moitié, même si le mariage on s’en fout, ils parlent de l’argent, la manière dont tu dépenses ton argent c’est la manière dont tu rentres dans la vie des autres et réciproquement, dit jo, et je veux une relation positive, a positiv intercourse, et l’argent, il y a des gens qui sont vraiment bons pour faire de l’argent, et si tu n’es pas bon pour faire de l’argent, est-ce que ça veut dire que tu n’es pas bon artiste, ou bon jardinier, ou bon ce que tu veux, ils sont là, sur la couverture du magazine, photo pleine page, pas même le titre du machin, juste eux deux, elle, jo, pied nu, les mains derrière le dos, souriant au photographe avec son pull rouge et son pantalon gris informes, l’air quoi, l’air plein de bonne volonté, l’air ennuyé, l’air, oui c’est ça, l’air de poser pour la photo de classe, à l’école primaire, et aussi, l’air de sortir de son trou, de voir la lumière pour la première fois depuis un bon moment, sorte de marmotte légèrement bouffie, lui, chris, avec sa barbe de rabin, ses petites lunettes cerclées métal, son t-shirt violet, son fute informe, ses baskets tachées de peinture, sa tasse à la main, debout devant l’entrée de, d’un atelier, d’un appartement, debout sur la véranda en bois gris clair, devant une façade en bois peint en blanc, on devine un fauteuil canné au bord du cadre, de l’autre côté sur la fenêtre, stop the war, et puis le chien, drôle d’animal aux poils hirsutes, à la pose, un animal étrange, légendaire, un griffon, j’écris griffon sans savoir exactement à quoi c'est censé ressembler, un griffon, tous les deux pâles et fatigués, mal fringués, pas du tout le genre côte ouest, il faut dire qu’ils ont quitté frisco pour portland, oregon, où c’est portland, sur la carte, quelque part entre wood-land et oregon city, quelque part entre frisco et seatle, pas du tout beaux, mais vraiment, qui vous donnent vraiment envie d’aller voir, de connaître ce coté là, ce coté freak, comme dit chris, des states, oui c’est vrai, on hait l’amerique de george b, mais on aime encore les states de burroughs, crumb, et tous les autres dingues